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Une enfance en pyjama rayé - ebook

Wydawnictwo:
Rok wydania:
2019
Format ebooka:
EPUB
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Une enfance en pyjama rayé - ebook

Ceci est l'un des documents les plus émouvants du destin tragique de prisonniers d'Auschwitz et d'image choquante du camp comme on le voit à travers les yeux d'un enfant. De manière concise, l'auteur décrit la faim, la peur, la solitude et le désespoir des enfants arrachés du monde sécurisé de l'enfance et à la merci de la violence et la mort, et le récit presque à sec renforcé par le drame présenté des scènes. Bogdan Bartnikowski est né à Varsovie en 1932. A l'âge de 12 ans comme un connecteur participé à des combats contre les insurgés en Ochota. Après avoir maîtrisé la zone en supprimant l'Insurrection de Varsovie - dans le cadre des forces allemandes - le SS RONA (Armée de libération nationale russe) et sa mère a été banni de la maison et envoyés dans un camp de transit à Pruszkow, le 12 août 1944 r.les Allemands les déportèrent à Auschwitz-Birkenau. À Birkenau, Bogdan Bartnikowski fut enregistré et interné sous le matricule 192731 – d’abord dans le block des enfants su camp des femmes puis dans le secteur BIIa du camp de hommes en campaigne d’autres enfants de Varsovie.

Le 11 janvier 1945, it fut évacue avec sa mère à Berlin-Blankenburg où il déblaya les ruines de la ville jusqu’à sa libération (le 22 avril 1945). Il retourna ensuite à Varsovie avec sa mère.

Retraité, Bogdan Bartnikowski travaille actuellement à l’Union des hommes de letrres polonais et à l’Union des insurgés de Varsovie. Décoré de la Croix d’Auschwitz et de la Croix de l’ordre Polonia Restitua (chevalier et officier).

Kategoria: History
Język: Francuski
Zabezpieczenie: Watermark
Watermark
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ISBN: 978-83-7704-293-9
Rozmiar pliku: 708 KB

FRAGMENT KSIĄŻKI

L’arrivée

Les petites filles de l’orphelinat crient, se querellent, se griffent et pleurent sans que les religieuses y prêtent attention. Elles prient depuis le matin en égrenant leurs chapelets. Leurs lèvres silencieuses ne cessent de remuer. Parfois, l’une des plus âgées vocifère. Mais les petites filles ne redoutent pas les adultes qui leur interdisent de faire pipi dans un coin du wagon surpeuplé à cause de la puanteur de plus en plus nauséabonde.

Le train vient de s’arrêter. Par la lucarne percée près du plafond, ils disent voir une ville. J’aimerais regarder moi aussi, mais les adultes pressés contre l’ouverture écoutent le cheminot qui voyage avec nous. Il exige toute notre attention, car lui, et lui seul ! connaît le nom des stations et notre destination. Il sait tout.

– Nous nous sommes arrêtés devant un sémaphore, dit-il lorsque le train s’immobilise de nouveau après avoir traversé la ville. Si nous tournons à droite, cela signifie qu’ils nous emmènent en Allemagne. Si nous continuons tout droit, nous allons vers Cracovie, Katowice…

Le train s’ébranle lourdement. Nous roulons. Survient un moment d’incertitude : à droite ou tout droit, à droite… Non ! Tout le monde soupire de soulagement. Nous restons en Pologne.

Je n’avais encore jamais voyagé dans un train de marchandises. Ce ne serait pas si mal si l’on pouvait se lever, se dégourdir les jambes, regarder par la fenêtre, boire de l’eau et faire pipi quand on veut… Dans le wagon, il fait chaud, ça pue, c’est sale, poussiéreux. Et s’il y avait moins de monde… Et si l’on pouvait voir quelque chose par la fenêtre… La lucarne est trop haute. Les adultes nous interdisent de grimper. J’ai essayé à plusieurs reprises de nous compter, mais je me trompai à chaque tentative après le nombre quarante et j’abandonnai.

Il y a longtemps, lorsque les Italiens ont traversé Varsovie pour se rendre sur le front de l’Est, je les ai vus se tenir debout sur le seuil des portes ouvertes des wagons. Ils chantaient et nous faisaient signe de la main. Sympathiques, ces Italiens. Je me souviens que l’un d’eux portait un chapeau orné d’une plume et des bottes noires reluisantes. Moi aussi, j’aimerais faire des signes de la main, mais comment ? La lucarne grillagée est si haute. Et les Allemands tirent sur quiconque se penche à l’extérieur. Les adultes nous en empêchent aussi. Eux seuls ont le droit de lorgner…

Nous avons roulé toute la nuit et toute la journée. Le soleil s’est couché et il fait sombre dans le wagon. Tout le monde a envie de dormir. On se recroqueville comme on peut, on s’allonge sur les planches. Les roues tressautent, le wagon cahote. Les petites filles endormies ont cessé de piailler. Elles se réveillent un instant au bruit d’un papier que l’on froisse dans un coin du wagon. C’est certainement quelqu’un qui mange… un homme oppose une fin de non-recevoir à un autre qui dit « Donne-m’en un peu », puis de nouveau le silence s’installe. On entend seulement le roulis du wagon.

Je sens la chaude respiration de ma mère près de mon oreille.

– Tu manges quelque chose, petit ?

– Non !

Je sors à contrecœur de ma torpeur, sans ouvrir les yeux. Maman veut toujours que je mange et que je mange encore ! À la maison et ici, toujours. Si l’on pouvait enfin descendre… Le train ralentit ! Est-ce la fin du voyage ?

Des éclairs de lumière illuminent la cloison du wagon. Nous roulons lentement, de moins en moins vite. Le train s’est brusquement immobilisé. Vont-ils enfin nous faire sortir ? J’ai tellement envie de dormir. Des Allemands longent le train. On entend quelques paroles, mais je ne comprends rien. Des ombres de têtes casquées et de carabines glissent sur la cloison du wagon et disparaissent.

– Mon Dieu, Auschwitz ! murmure le cheminot d’une voix terrifiée.

Un silence absolu règne dans le wagon. On n’entend même pas le bruit des respirations. Je me lève et me hisse jusqu’à un interstice de la porte. Rien, c’est une station comme nous en avons beaucoup traversées : quelques réverbères ; sur le mur d’un bâtiment, de grandes lettres noires forment le mot « Auschwitz » ; sur le quai, des gendarmes, des soldats, pas un civil. Se pourrait-il que nous soyons en Allemagne ?

Des murmures s’élèvent dans l’obscurité du wagon :

– Auschwitz ! Qu’est-ce que nous faisons ici ? C’est impossible… Pour quelle raison ?

– Nous bougeons ! (Tout le monde soupire de soulagement.) Nous repartons…

Le train roule lentement. Nous sommes plongés dans le silence. Le mouvement du wagon nous berce. Pas un bruit. Je suis sur le point de me rendormir…

– Nous nous approchons de l’embranchement, murmure le cheminot. Si nous prenons à gauche, ça va, mais si nous tournons à droite…

Des pensées traversent mon esprit assoupi : De quoi ont-ils tous peur ? Autant tourner à droite ! Dommage que papa ne soit pas avec nous, qu’il soit parti avec les insurgés. Un papa, c’est toujours utile.

Il est impossible de dormir ou de s’étirer à cause du manque de place. Les gens sont partout et ne dorment probablement pas. Ils retiennent leur respiration. Le train se déplace lentement, très lentement. Mes paupières sont lourdes… Je veux dormir, dormir…

– Nous tournons à droite ! Vous entendez ? À droite…, crie le cheminot.

Une personne fond en larmes. Une autre récite une litanie à haute voix. Il règne une atmosphère à glacer le sang. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai peur. Me rendormir, me réfugier dans le sommeil, fermer fortement les paupières, m’endormir…

– Petit, ne dors pas. Pas maintenant ! Nous allons descendre, tiens, mets ça dans ta poche.

Maman me secoue, insère ma trousse dans ma poche, m’habille. Somnolent, je m’abandonne aux gestes saccadés de ses mains.

Je me révolte lorsque je suis complètement réveillé : « Je ne veux pas ! »

Les sanglots du petit Jacek emplissent soudain le wagon :

– Je veux boire ! À boire !

– Cet enfant est si petit, quel malheur ! s’élève la voix d’un homme dans l’obscurité.

Il parle de Jacek. C’est probablement l’enfant le moins âgé du wagon. Ce petit morveux a dans les trois ans.

On entend un clapotis dans un coin du wagon. Certainement encore les petites filles.

– Bien sûr que c’est un malheur, répond quelqu’un. Mais c’est le malheur de tout le monde. Pleurez plutôt sur votre sort.

Je demande alors : « Maman, où sont mes petits soldats ? » Papa me les a offerts deux jours avant l’insurrection. Ce sont des marins. L’un d’eux brandit un drapeau polonais identique à ceux que j’ai vus à Varsovie pendant l’insurrection de la ville.

À Varsovie… Quelle est maintenant la situation ? Où est papa ? Les nôtres ont-ils battu les Allemands ? Sans doute… Et papa… Papa est là-bas, il est libre, il porte un pistolet, peut-être même une carabine, et il fait la guerre ! C’est sûr ! Les marins m’accompagnent dans ce voyage. Ils dorment dans une boîte. Où se trouve-t-elle ? Je l’ignore. Je tâtonne. Sans succès. Le nez me démange. Je suis sur le point de pleurnicher…

– Tes soldats ? Tu crois que c’est le moment de parler de tes soldats ?

– Où sont mes soldats ?

– Lui non plus ne comprend rien. Je le prenais pour un grand garçon, mais il n’est qu’un enfant, dit le cheminot près de la lucarne. Il ne pense qu’à ses soldats de plomb alors que demain, ou même aujourd’hui, c’est le gaz qui l’attend…

– Qu’est-ce que vous dites ? Les enfants aussi ? s’insurge quelqu’un.

– Que croyez-vous ? D’abord les enfants ! Pour eux, les enfants, ce ne sont que des ennuis. Et après les enfants, ce sera notre tour, à tous !

– Maman, qu’est-ce que ça veut dire : le gaz m’attend ?

– N’ai pas peur, mon petit. Je ne te laisserai pas.

Maman m’enlace fortement et me presse contre elle. Elle tremble de tout son corps.

– Ça fait mal ! Lâche-moi ! (Je me libère de son étreinte.)

– La Porte de la mort, annonce le cheminot. Je la reconnais, je l’ai vue un jour de loin… Nous la franchissons, nous entrons dans le camp… C’est fini… C’en est fini de nous… Il y a plein d’Allemands le long de la voie… Aucun espoir…

– Nous allons peut-être seulement le traverser sans nous arrêter et poursuivre notre route…

– Non, la voie est une impasse. Il n’y a pas de sortie.

– Oh, il y a des gens en tenues rayées ! Ce sont des détenus. Demain, nous serons comme eux…

– Où est le gaz ? (Je hausse la voix, car la terreur des adultes m’intrigue de plus en plus.)

– Le gaz ? (Le cheminot me soulève à hauteur de la lucarne) Regarde ! Tu vois cette cheminée ?

Dehors, de petits réverbères défilent. Plus loin, derrière un bouquet d’arbres, j’aperçois des cheminées carrées qui crachent des flammes de plusieurs mètres. Une puanteur terrible et inconnue me saisit la gorge.

– Où sommes-nous ? Qu’est-ce qui pue ainsi ?

Le cheminot n’a pas répondu. Il m’a reposé si brutalement que j’ai eu mal.

Des hurlements ! Les portes du wagon s’ouvrent avec fracas. Une lumière éblouissante nous aveugle. Des chiens aboient. Autour des SS en uniformes verts armés de mitraillettes, les hommes en tenues rayées rugissent des ordres : « Descendez ! Prenez toutes vos affaires ! Vite ! Vite ! Schnell ! »

Je saute du wagon. J’observe. Deux femmes, l’une plus âgée, étreignent un jeune garçon. Elles refusent de le laisser partir avec un SS. L’Allemand crie. Les femmes retiennent le garçon en pleurant. L’Allemand saisit son arme… Va-t-il tirer ? Non, il les menace seulement… Il a tiré ! Leurs trois corps jonchent le sol… Les chiens continuent d’aboyer, mais plus personne ne crie. En silence, la foule trépigne près du wagon puis s’aligne en rang et attend docilement.

« Schnell ! Vite ! Vite ! En mouvement ! » s’élève une voix qui remonte le long de la colonne. Les détenus en tenues rayées s’approchent de nous et nous placent en rangs de cinq. Nous marchons. Un chemin s’ouvre entre deux murs de barbelés. Derrière les clôtures, je vois des baraques alignées. Tout est vide comme dans un rêve ou un conte. Complètement vide. Plus loin, derrière les arbres, des flammes jaillissent. La puanteur empeste l’air de plus en plus. Oh ! Quelqu’un se tient contre le mur d’une baraque !

– D’où êtes-vous ? (Il nous interpelle en polonais ! C’est l’un des nôtres ! Un Polonais !)

– De Varsovie ! lui répond la colonne.

– Du quartier d’Ochota ! (L’homme ne réagit pas à mon propos ou ne l’a pas entendu et disparaît à la dérobée dans une baraque adjacente.)

– Oświęcim, murmure quelqu’un derrière moi. C’est donc Oświęcim…

Oświęcim ! Je sais ! J’ai entendu parler d’Oświęcim. Oświęcim, ce serait donc Auschwitz ? Le père de mon camarade de classe Jarek est mort ici. Ainsi que mon oncle et notre instituteur. À Varsovie, on ne prononçait le nom d’Oświęcim qu’à voix basse, avec respect et terreur, me semble-t-il. « On n’en revient pas », avait dit un jour papa. Nous sommes donc à Oświęcim, à Auschwitz…

Devant nous, un grand feu brûle dans la forêt. La puanteur gêne la respiration. Il flotte quelque chose de terrible et d’inconnu dans l’air lourd et gras. Serait-ce l’odeur de la mort ? Peut-être… À Varsovie, elle était pourtant différente : un mélange âcre de poussière de brique et de brûlé.

La foule marche d’un pas rapide et j’ai du mal à suivre la cadence. Les Allemands nous ont ordonné de laisser nos bagages, valises et ballots près du train. Les femmes tiennent dans leurs mains de petits ballots, des sacs et des paquets — tout ce qui leur reste. Je porte aussi un paquet : un peu de nourriture, une serviette de toilette et mes marins de plomb. Je les ai retrouvés juste avant de descendre du wagon.

Que se passe-t-il ? Nous tournons juste à côté du bois où s’élève l’immense flamme et suivons un chemin qui nous emmène, quelques minutes plus tard, à la gueule grande ouverte d’une baraque immense. Elle est grande et sombre. Ses portes rappellent celles d’une grange. Lorsque je me rendais à la campagne, j’aimais explorer les granges. Elles sont si imposantes avec leurs hautes bottes de pailles disposées régulièrement des deux côtés du bâtiment, leur sol froid de terre battue et l’odeur du foin, de l’été.

Derrière les portes du bâtiment, il fait sombre, complètement sombre. Les colonnes de gens s’y enfoncent comme dans une cavité et se cognent à ses cloisons nues. En cherchant à trouver une place dans cet espace, nous nous heurtons à ceux qui sont déjà entrés. Les portes se referment en claquant.

Je demande :

– C’est maintenant le gaz ?

– Non, pas encore, me répond une voix mal assurée.

Je tâtonne prudemment dans l’obscurité et m’assieds par terre, adossé au mur contre mon paquet. Mes marins… ils seront là en lieu sûr. Je ne les écraserai pas en m’endormant. Si je m’endors… J’écarquille les yeux, mais il m’est impossible de distinguer quoi que ce soit tant l’obscurité est profonde. L’air est étouffant, lourd et j’ai envie de pleurer. Il ne faut pas.

À côté, un jeune enfant se met à sangloter avant de se taire brusquement comme s’il venait de comprendre qu’il ne faut pas pleurer. À l’extérieur de la baraque, une locomotive à vapeur siffle. Est-ce notre train qui nous fait ses adieux avant de nous abandonner ?

Mon regard se perd dans l’obscurité. Impossible de m’endormir. Je n’ai pas le droit de pleurer. Lorsque je ferme les yeux, je revois cet enfant près du wagon… Troué de balles, son corps vrille et tombe au sol. Non ! Je dois me débarrasser de cette vision. Demain…

Demain, je n’irai pas dans le jardin de la rue des Filtres, je n’emprunterai pas le porche qui donne sur la rue de Kalisz, je ne rendrai pas visite à ma tante de la rue de Tarczyń. Demain, le camp nous incorporera.

S’endormir, s’endormir et se réveiller à la maison ! Non, nous ne sommes pas à Oświęcim… c’est un rêve, un mensonge.Dans les douches

Je suis nu et je masque avec mes mains ma virilité d’enfant. J’ai honte. Les hurlements, les cris, les pleurs et les insultes sont restés derrière les portes. Ici, le silence règne.

– Ça y est ? C’est la chambre à gaz ? murmurent des femmes qui scrutent autour d’elle avec inquiétude.

– Non, c’est le sauna, répondent impatiemment des détenues qui fendent rapidement la foule de part en part.

– Le sauna ? (Ce mot inconnu ne dissipe pas les craintes.)

– Les douches, tout simplement les douches ! précisent-elles à haute voix en se dirigeant vers le fond du bâtiment.

Sur les visages, l’effroi se dissipe. Ce ne sont que des douches…

Mes vêtements roulés en boule ont été emportés quelque part. Je suis maintenant complètement nu dans une foule de femmes nues. Un millier de femmes. En enlevant ma chemise dans l’immense vestiaire, je n’avais pas osé lever les yeux.

Maman est nue comme moi, comme les voisines de notre immeuble de Varsovie et tout le reste de la foule. Malgré une longue attente, mon effroi ne se dissipe pas. Notre marche à l’intérieur d’un couloir interminable me force à relever la tête et à regarder.

Je braque les yeux à droite et à gauche. Mon Dieu… Il y a là des personnages de contes à figer le sang, des femmes tordues par la vieillesse, souffrant de plaies purulentes sur les jambes, les épaules, partout… une puanteur s’exhale des corps sales et des vêtements désinfectés à la vapeur. La foule compacte se déplace lentement. On ne cesse de se toucher et de se repousser. Je sursaute de dégoût à tout contact sans pouvoir m’échapper.

La sueur ruisselle sur mon corps et celui des autres. À côté, quelques SS se tiennent sur une bordure interdite aux détenus. Ils pointent parfois du doigt une femme qui leur semble particulièrement comique dans cette cohue effrayante et partent d’un éclat de rire tonitruant. La masse des corps nus poursuit sa lente procession vers une porte qui ferme le couloir, plus loin.

Peu à peu, je m’accoutume à la réalité bien que j’évite toujours de regarder autour de moi.

Je sens une nouvelle fois le contact d’un corps sur mes épaules ! Mou, humide, collant. C’est le long sein flasque d’une vieille femme qui suffoque au-dessus de moi. Je distingue près de son épaule un second sein identique. Et plus loin, d’autres seins, partout. Je réprime mon dégoût et ma honte, je relève ma tête pour essayer de me placer à côté d’une personne jeune et bien faite, je fouille du regard avec rage… Ces gens sans vêtements sont-ils tous laids, moites, collants, vieux et déjà sales ? C’est impossible. Dans le quartier d’Ochota, l’Insurrection n’a duré que dix jours. J’observe longuement autour de moi. Une femme me bouscule et s’indigne que mon regard se soit posé sur elle : « Ce gamin est indécent ! » Je ne trouverai décidément personne de beau.

Encore un toucher ? Non, ce n’est pas important. Je remarque la présence de seulement deux rangées de femmes devant moi et un espace libre jusqu’à une porte éloignée qui mène aux lavabos. Entre les corps diaphanes des femmes, les ombres bleu marine du personnel se fraient des passages. Que font ces détenues ? Qu’attendons-nous ? Je vois aussi des femmes qui courent vers les lavabos. J’ai compris…

Le groupe serré dans lequel je me trouve n’est pas homogène, hormis la nudité. Il y a des brunes, des blondes, des rousses et des personnes aux cheveux blancs. Les femmes qui s’approchent de la porte des lavabos ont toutes la même tête. Impossible de reconnaître et de différencier qui que ce soit. Après que les mains des détenues en blouses bleu marine ont rasé en un éclair les têtes penchées et les aisselles, il n’y a plus moyen de savoir qui est qui, même les personnes que l’on connaît. Rasée de près, chaque tête devient identique aux autres — horrible et comique. L’air hagard, les femmes continuent de masquer leur nudité qu’elles ont dissimulée pendant toute leur vie.

Un seul rang de femmes me sépare des coiffeuses… Puis c’est mon tour. Une détenue me rase avec des mouvements rapides. Elle se penche pour me faire comprendre que je dois retirer ma main :

– Allez !

– Non ! (Je continue de plaquer mes doigts blanchis par l’effort sur mon crâne.)

– Schnell ! crie-t-elle enfin en perdant patience.

Elle saisit et retire violemment ma main avant de remarquer avec surprise ma nudité d’enfant. Une forte fessée me propulse vers les lavabos.

Je franchis la porte, patauge dans un bassin rince-pieds situé à l’entrée de la pièce et me retrouve sous un pommeau de douche. Mon regard embrasse l’ensemble des sanitaires. C’est de l’eau qui coule, une eau salvatrice que je n’ai pas vue depuis deux semaines, qui dégouline sur mon visage, se mêle à mes larmes et ruisselle sur le sol en béton.
mniej..

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