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Le Meunier d’Angibault - ebook

Data wydania:
27 maja 2020
Format ebooka:
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Le Meunier d’Angibault - ebook

Marcel de Blanchemon, veuve d’un baron qui ne lui a laissé que des dettes, pense pouvoir épouser un ouvrier socialiste du nom de Henri Lemore, malgré les préjugés de classe de ce dernier. Mais Henri s’enfuit et se cache dans le moulin Anzibo. Marcel considère ce soin comme un manque d’amour.

Kategoria: Classic Literature
Język: Inny
Zabezpieczenie: Watermark
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ISBN: 978-83-8217-083-2
Rozmiar pliku: 2,7 MB

FRAGMENT KSIĄŻKI

Table des matières

NOTICE

PREMIÈRE JOURNÉE

I. INTRODUCTION

II. VOYAGE

III. LE MENDIANT

IV. LE MARÉCAGE

V. LE MOULIN

VI. UN NOM SUR UN ARBRE

VII. BLANCHEMONT

VIII. LE PAYSAN PARVENU

IX. UN AMI IMPROVISÉ

X. CORRESPONDANCE

XI. LE DÎNER A LA FERME

XII. LES CH’TEAUX EN ESPAGNE

XIII. ROSE

XIV. MARCELLE

DEUXIÈME JOURNÉE

XV. LA RENCONTRE

XVI. DIPLOMATIE

XVII. LE GUÉ DE LA VAUVRE

XVIII. HENRI

TROISIÈME JOURNÉE

XIX. PORTRAIT

XX. L'AMOUR ET L'ARGENT

XXI. LE GARÇON DE MOULIN

XXII. AU BORD DE L'EAU

XXIII. CADOCHE

XXIV. LA FOLLE

QUATRIÈME JOURNÉE

XXV. SOPHIE

XXVI. LA VEILLÉE

XXVII. LA CHAUMIÈRE

XXVIII. LA FÊTE

XXIX. LES DEUX SOEURS

XXX. LE CONTRAT

XXXI. ARRIÈRE-PENSÉE

XXXII. LE PATACHON

XXXIII. LE TESTAMENT

XXXIV. DÉSASTRE

CINQUIÈME JOURNÉE

XXXV. RUPTURE

XXXVI. LA CHAPELLE

XXXVII. CONCLUSIONNOTICE

Ce roman est, comme tant d’autres, le résultat d’une promenade, d’une rencontre, d’un jour de loisir, d’une heure de far niente. Tous ceux qui ont écrit, bien ou mal, des ouvrages d’imagination ou même de science, savent que la vision des choses intellectuelles part souvent de celle des choses matérielles. La pomme qui tombe de l’arbre fait découvrir à Newton une des grandes lois de l’univers. A plus forte raison le plan d’un roman peut-il naître de la rencontre d’un fait ou d’un objet quelconque. Dans les oeuvres du génie scientifique, c’est la réflexion qui tire du fait même la raison des choses. Dans les plus humbles fantaisies de l’art, c’est la rêverie qui habille et complète ce fait isolé. La richesse ou la pauvreté de l’oeuvre n’y fait rien. Le procédé de l’esprit est le même pour tous.

Or, il y a dans notre vallée un joli moulin qu’on appelle Angibault, dont je ne connais pas le meunier, mais dont j’ai connu le propriétaire. C’était un vieux monsieur, qui, depuis sa liaison à Paris avec M. de Robespierre (il l’appelait toujours ainsi), avait laissé croître autour de ses écluses tout ce qui avait voulu pousser: l’aune et la ronce, le chêne et le roseau. La rivière, abandonnée à son caprice, s’était creusé, dans le sable et dans l’herbe, un réseau de petits torrents qu’aux jours d’été, dans les eaux basses, les plantes fontinales couvraient de leurs touffes vigoureuses. Mais le vieux monsieur est mort; la cognée a fait sa besogne; il y avait bien des fagots à tailler, bien des planches à scier dans cette forêt vierge en miniature. Il y reste encore quelques beaux arbres, des eaux courantes, un petit bassin assez frais, et quelques buissons de ces ronces gigantesques qui sont les lianes de nos climats. Mais ce coin de paradis sauvage que mes enfants et moi avions découvert en 1844, avec des cris de surprise et de joie, n’est plus qu’un joli endroit comme tant d’autres.

Le château de Blanchemont avec son paysage, sa garenne et sa ferme, existe tel que je l’ai fidèlement dépeint; seulement il s’appelle autrement, et les Bricolin sont des types fictifs. La folle qui joue un rôle dans cette histoire, m’est apparue ailleurs: c’était aussi une folle par amour. Elle fit une si pénible impression sur mes compagnons de voyage et sur moi, que malgré vingt lieues de pays que nous avions faites pour explorer les ruines d’une magnifique abbaye de la renaissance, nous ne pûmes y rester plus d’une heure. Cette malheureuse avait adopté ce lieu mélancolique pour sa promenade machinale, constante, éternelle. La fièvre avait brûlé l’herbe sous ses pieds obstinés, la fièvre du désespoir!

GEORGE SAND.
Nohant, 5 septembre 1852.

A SOLANGE ***.

Mon enfant, cherchons ensemble.PREMIÈRE JOURNÉE

I

INTRODUCTION.

Une heure du matin sonnait à Saint-Thomas-d’Aquin, lorsqu’une forme noire, petite et rapide, se glissa le long du grand mur ombragé d’un de ces beaux jardins qu’on trouve encore à Paris sur la rive gauche de la Seine, et qui ont tant de prix au milieu d’une capitale. La nuit était chaude et sereine. Les daturas en fleurs exhalaient de suaves parfums, et se dressaient comme de grands spectres blancs sous le regard brillant de la pleine lune. Le style du large perron de l’hôtel de Blanchemont avait encore un vieux air de splendeur, et le jardin vaste et bien entretenu rehaussait l’opulence apparente de cette demeure silencieuse, où pas une lumière ne brillait aux fenêtres.

Cette circonstance d’un superbe clair de lune, donnait bien quelque inquiétude à la jeune femme en deuil qui se dirigeait, en suivant l’allée la plus sombre, vers une petite porte située à l’extrémité du mur. Mais elle n’y allait pas moins avec résolution, car ce n’était pas la première fois qu’elle risquait sa réputation pour un amour pur et désormais légitime; elle était veuve depuis un mois.

Elle profita du rempart que lui faisait un massif d’acacias pour arriver sans bruit jusqu’à la petite porte de dégagement qui donnait sur une rue étroite et peu fréquentée. Presque au même moment, cette porte s’ouvrit, et le personnage appelé au rendez-vous entra furtivement et suivit son amante, sans rien dire, jusqu’à une petite orangerie où ils s’enfermèrent. Mais, par un sentiment de pudeur non raisonné, la jeune baronne de Blanchemont, tirant de sa poche une jolie et menue boîte de cuir de Russie, fit jaillir une étincelle, alluma une bougie placée et comme cachée d’avance dans un coin, et le jeune homme, craintif et respectueux, l’aida naïvement à éclairer l’intérieur du pavillon. Il était si heureux de pouvoir la regarder!

La serre était fermée de larges volets en plein bois. Un banc de jardin, quelques caisses vides, des instruments d’horticulture, et la petite bougie qui n’avait même pas d’autre flambeau qu’un pot à fleurs demi-brisé, tel était l’ameublement et l’éclairage de ce boudoir abandonné qui avait servi de retraite voluptueuse à quelque marquise du temps passé.

Leur descendante, la blonde Marcelle, était aussi chastement et aussi simplement mise que doit l’être une veuve pudique. Ses beaux cheveux dorés tombant sur son fichu de crêpe noir étaient sa seule parure. La délicatesse de ses mains d’albâtre et de son pied chaussé de satin, étaient les seuls indices révélateurs de son existence aristocratique. On eût pu d’ailleurs la prendre pour la compagne naturelle de l’homme qui était à genoux auprès d’elle, pour une grisette de Paris; car il est des grisettes qui ont au front une dignité de reine et une candeur de sainte.

Henri Lémor était d’une figure agréable, plutôt intelligente et distinguée que belle. Ses cheveux noirs et abondants assombrissaient sa physionomie déjà brune et fort pâle. On voyait bien là que c’était un enfant de Paris, fort par sa volonté, délicat par son organisation. Son habillement, propre et modeste, n’annonçait que l’humble médiocrité; sa cravate assez mal nouée révélait une grande absence de coquetterie ou une habitude de préoccupation; ses gants bruns suffisaient à prouver que ce n’était pas là, comme se seraient exprimés les laquais de l’hôtel de Blanchemont, un homme fait pour être le mari ou l’amant de madame.

Ces deux jeunes gens, à peine plus âgés l’un que l’autre, avaient passé plus d’une fois de doux instants dans le pavillon pendant les heures mystérieuses de la nuit; mais, depuis un mois qu’ils ne s’étaient vus, de grandes anxiétés avaient assombri le roman de leur amour. Henri Lémor était tremblant et comme consterné. Marcelle de Blanchemont semblait glacée de crainte. Il se mit à genoux devant elle comme pour la remercier de lui avoir accordé un dernier rendez-vous; mais il se releva bientôt sans lui rien dire, et son attitude était contrainte, presque froide.

–Enfin!... lui dit-elle avec effort en lui tendant une main qu’il porta à ses lèvres par un mouvement presque convulsif, et sans que sa physionomie s’éclairât du moindre rayon de joie.

Il ne m’aime plus, pensa-t-elle en portant ses deux mains devant ses yeux. Et elle resta muette et glacée d’effroi.

–Enfin? répéta Lémor. N’est-ce pas déjà que vous vouliez dire? J’aurais dû avoir la force d’attendre plus longtemps; je ne l’ai pas eue, pardonnez-moi.

–Je ne vous comprends pas! dit la jeune veuve en laissant retomber ses mains avec accablement.

Lémor vit ses yeux humides, et se méprit sur la cause de son émotion.

–Oh! oui, reprit-il, je suis coupable; je vois à votre douleur les remords que je vous cause. Ces quatre semaines m’ont paru si longues, à moi, que je n’ai pas eu le courage de me dire que c’était trop peu! Aussi, à peine vous avais-je écrit, ce matin, pour vous demander la permission de vous voir, que je m’en suis repenti. J’ai rougi de ma lâcheté, je me suis reproché les scrupules que je forçais votre conscience à étouffer; et quand j’ai reçu votre réponse, si sérieuse et si bonne, j’ai compris que la pitié seule me rappelait auprès de vous.

–Oh! Henri, que vous me faites de mal en parlant ainsi! Est-ce un jeu, est-ce un prétexte? Pourquoi avoir demandé de me voir, si vous me revenez avec si peu de bonheur et de confiance?

Le jeune homme tressaillit, et se laissant retomber aux pieds de sa maîtresse:

–J’aimerais mieux de la hauteur et des reproches, dit-il; votre bonté me tue!

–Henri! Henri! s’écria Marcelle, vous avez donc eu des torts envers moi? Oh! vous avez l’air d’un criminel! Vous m’avez oubliée ou méconnue, je le vois bien!

–Ni l’un, ni l’autre; pour mon malheur éternel, je vous respecte, je vous adore, je crois en vous comme en Dieu, je ne puis aimer que vous sur la terre!

–Eh bien! dit la jeune femme en jetant ses bras autour de la tête brune du pauvre Henri, ce n’est pas un si grand malheur que de m’aimer ainsi, puisque je vous aime de même. Écoutez, Henri, me voilà libre, je n’ai rien à me reprocher. J’ai si peu souhaité la mort de mon mari, que jamais je ne m’étais permis de penser à ce que je ferais de ma liberté si elle venait à m’être rendue. Vous le savez, nous n’avions jamais parlé de cela, vous n’ignoriez pas que je vous aimais avec passion, et pourtant voici la première fois que je vous le dis aussi hardiment! Mais, mon ami, que vous êtes pâle! vos mains sont glacées, vous paraissez tant souffrir! Vous m’effrayez!

–Non, non, parlez, parlez encore, répondit Lémor succombant sous le poids des émotions les plus délicieuses et les plus pénibles en même temps.

–Eh bien, continua madame de Blanchemont, je ne peux pas avoir ces scrupules et ces agitations de la conscience que vous redoutez pour moi. Quand on me rapporta le corps sanglant de mon mari, tué en duel pour une autre femme, je fus frappée de consternation et d’épouvante, j’en conviens; en vous annonçant cette terrible nouvelle, en vous disant de rester quelque temps éloigné de moi, je crus accomplir un devoir; oh! si c’est un crime d’avoir trouvé ce temps bien long, votre obéissance scrupuleuse m’en a assez punie! Mais depuis un mois que je vis retirée, occupée seulement d’élever mon fils et de consoler de mon mieux les parents de M. de Blanchemont, j’ai bien examiné mon coeur, et je ne le trouve plus si coupable. Je ne pouvais pas aimer cet homme qui ne m’a jamais aimée, et tout ce que je pouvais faire, c’était de respecter son honneur. A présent, Henri, je ne dois plus à sa mémoire qu’un respect extérieur pour les convenances. Je vous verrai en secret, rarement, il le faudra bien!... jusqu’à la fin de mon deuil; et dans un an, dans deux ans, s’il le faut...

–Eh bien! Marcelle, dans deux ans?

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